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La Semaine de la Pensée : échanger ensemble autour des inégalités hommes/femmes

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Ce mois d’avril débute par un grand événement printanier pour la Communauté PSL : la Semaine de la Pensée ! Un programme mené tambour battant par l’Union PSL, le relais de la vie étudiante, qui organise pour cette 3e édition différents temps forts autour du thème Inégalités de genre, inégalités femme/homme. Rencontre avec Sophie Guillet, co-présidente de l’Union PSL, Jémilie Jaffart, présidente de l'association MUN PSL, Werner Gaboreau, Baptiste Cluzet et Julien Cherin, membres de l’Union PSL.

Membres de l'Union PSL pour la Semaine de la Pensée

Sophie, pouvez-vous nous rappeler en quelques mots comment a débuté l’aventure de la Semaine de la Pensée et en quoi consiste l’événement ? 

S.G : Le projet est née en 2016 et était à l’origine « Le Jour de la pensée ». Mes prédécesseurs souhaitaient organiser, à travers un jour symbolique (basé sur le calendrier révolutionnaire),  une célébration commune à tous les étudiants de PSL. La première édition a consisté à circuler dans les établissements PSL où des stands étaient installés pour se rencontrer et présenter l’Université. L’année suivante, nous avons souhaité étoffer l’événement et prendre le temps d’échanger autour de plusieurs animations : c’est pourquoi le Jour est devenu la Semaine. Cette année la thématique tourne autour de la question du Genre et des inégalités femmes / hommes, et la programmation est riche : une Nuit PSL, une exposition, une soirée projections-débat, une conférence scientifique, une simulation calquée sur le modèle de l’ONU et un Concours d’éloquence.

PSL devient, au travers d'événements comme la Semaine de la Pensée, un moyen concret de se sentir et de vivre le "collectif".

Pourquoi avoir choisi cette thématique ? En quoi peut-elle intéresser l’ensemble de la communauté ?

S.G : Nous ne l’avons pas choisi par hasard : l’actualité s’y prêtait, les récentes prises de position, les mouvements tels que Me Too nous semblaient être un point de départ pour échanger. L’année dernière, en pleine période électorale, nous avions pour thématique la Politique. Nous étudions au sein d’établissements aux spécialités si diverses, que pour faire du lien entre un maximum de PSLiennes et PSLiens, il est nécessaire de proposer des thématiques sur lesquelles tout le monde peut s’exprimer de différentes manières. L’actualité est importante, mais il faut que la thématique soit la plus ouverte possible aussi. Cette question liée au Genre et aux inégalités femmes / hommes nous semble aujourd’hui fondamentale en tant que jeunes femmes et jeunes hommes évoluant dans un environnement commun. 

W.G : Et pour cette édition, nous avons bien l’intention d’attirer un maximum d’étudiants. Nous sommes mieux rôdés et nous avons davantage de monde qui nous connaissent et participent à nos événements : si je prends le Concours d’éloquence dont je suis l’un des co-organisateurs, par exemple, nous avions bien plus de candidats pour la pré-sélection en janvier dernier que pour l’édition 2017. Et les candidats venaient de tous les établissements, une diversité incroyable.

Werner, en quoi consiste le Concours d’éloquence et quand se tient-il dans la Semaine de la Pensée ?

W.G : Le Concours d’éloquence est un concours d'art oratoire qui se déroule à PSL en plusieurs phases. Les finalistes qui ont été sélectionnés lors du Campus d’Hiver s’exprimeront sur scène devant le public (ndlr : vous pouvez assister à la finale à MINES ParisTech le 13 avril prochain) et auront pour point de départ une citation volontairement provocante et liée à la thématique. Le Concours d’éloquence met en lumière le poids des mots, la force du langage qui peut, au travers d'un discours aussi bien défendre l’indéfendable que le condamner.

Jémilie, quelle est la différence sur le format avec un MUN, par exemple ?

J.J : Un MUN est un débat réellement calqué sur le modèle des Nations Unies. Chaque participant représente un des pays qui fait partie de l’ONU et s’exprime au nom de son pays.  Il y a des règles qu’il faut connaître en amont, c’est pourquoi avant l’événement du 10 avril, nous formons les participants. C’est une thématique qui nous parle évidemment déjà beaucoup, et les sujets ne manquaient pas pour la transposer sur le modèle d’un MUN : nous avons retenu la thématique des « femmes réfugiées », un sujet d’actualité. J’ajoute qu’organiser aux côtés de l’Union PSL une soirée MUN nous semblait en soi une évidence, et la thématique est assez fédératrice pour en faire une semaine extrêmement riche.

Une semaine où se mêle aussi l’Art..

S.G : Oui, une expo aura lieu à l’EnsAD : nous avons reçu plein de projets divers. Beaucoup de projets photos, de vidéos, de sculptures, du stylisme...Il est vraiment intéressant de voir comment chacun s’approprie la thématique. L’expo sera aussi l’occasion de (re)découvrir la troupe de théâtre La Découpe, qui fera aussi une représentation lors du vernissage.

B.C : La soirée projections-débat est une soirée où se mélange l’Art et les Sciences sociales, organisée au 62 bis rue Gay Lussac. L’idée ? Présenter des extraits de films, un panel de films récents /anciens, connus /moins connus, qui nous interrogent sur les stéréotypes liés au Genre. Quelle vision, quelle société y sont retranscrites ? Ce sont les étudiants du master « Genre, Sexualité et politique » de l’EHESS qui présenteront ces extraits et s’en suivra un débat avec le public. L’Art est un moyen d’expression fabuleux ; il cristallise et retranscrit aussi une époque. L’intérêt est de débattre non seulement sur les stéréotypes que le cinéma véhicule, mais de mener une réflexion plus large sur son rôle dans l’évolution sociale.

Le programme propose également une conférence scientifique intitulée « Le cerveau a t-il un sexe ? Les métiers ont-ils un sexe ? » Julien, pouvez-vous nous en dire plus ? 

J.C : Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur et auteure du livre Le Cerveau a t-il un sexe ? nous a fait l’honneur d’accepter notre invitation : il y aura donc une conférence à l’Ecole normale supérieure le lundi 9 avril en sa présence et en collaboration avec Françoise Vouillot, maître de conférence au CNAM et membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, auteure de l’ouvrage Les métiers ont-ils un sexe ?. Elles exposeront leurs travaux et il y aura également un temps d’échanges avec le public. Ce qui nous semble ici très intéressant, c’est d’avoir un échange construit autour de la thématique avec un éclairage scientifique : l’environnement dans lequel nous évoluons a t-il une influence directe sur notre activité neuronale ? Comment les stéréotypes nous conditionnent-ils ?

Justement, quelle est votre perception à vous sur ce sujet ? Dans le cadre de vos études, par exemple ?

W.G : On observe quelques déséquilibres, ce qui laisse à penser qu’il existe une forme de conditionnement. Sans essentialiser, on remarque dans les Ecoles de PSL en Sciences humaines et sociales, comme la mienne (ndlr: l’EPHE) qu’il y a autant ou davantage de femmes que d’hommes, ce qui n’est pas le cas par exemple à MINES ParisTech.

Comment l’expliqueriez-vous ? 

S.G : Au delà des inégalités réelles et concrètes qui persistent aujourd’hui, il y a aussi beaucoup d’études en SHS qui montrent que les filles ont une tendance plus forte à s’auto-censurer par manque de confiance en elles et en leurs compétences. Plus on avance dans les études et plus l’écart est important...

Toutes nos inégalités, qu’elles soient ancrées dans notre vie quotidienne ou le fruit de ressorts psychologiques, on les vit depuis la petite enfance ! Déconstruire prend du temps et c’est un travail inter-générationnel, et nous avons des outils aujourd’hui pour inverser les tendances.

Est-ce systématique ? Si l’on prend la licence du CPES de PSL par exemple, on constate que dans les 3 filières, il y a plus de filles que de garçons. D’où vient l’engouement inverse à ce qu’on entend dans la filière sciences par exemple ? 

J.J : Il y a certainement déjà moins d’ « enjeux » pour nous en licence, donc peut-être nous auto-censurons nous moins car l’aspect compétitif nous semble moins étouffant. Le côté "pluridisciplinaire" peut être rassurant aussi. Enfin, je pense surtout que ce qui serait intéressant serait de faire une étude un peu plus poussée sur les parcours de ces étudiantes, de voir la trajectoire qu’elles suivront ensuite. Car l’auto-censure se fait au fur et à mesure, donc il serait judicieux de voir si toutes les théories en sciences sociales s’appliquent bien.

S.G : Même dans les Arts, certaines formations semblent « genrées » : par exemple en musique, il y a très peu de femmes qui sortent d’une formation en tant que Chef d’Orchestre, elles ne jouent pas de certains instruments...On en prend de plus en plus conscience, mais c’est encore prégnant dans beaucoup de formations.

W.G : Le Concours d’éloquence est aussi un exemple de ce phénomène. L’année dernière, nous avions une majorité écrasante d’hommes (75%) et beaucoup plus de désistements de femmes qui semblaient avoir eu plus de mal à trouver leur place, plus de difficultés à s’exprimer dans l’espace public. Je tiens à dire que ça n’a strictement rien à voir avec le niveau ! Cette année, les choses se sont un peu améliorées, mais il y a du chemin...

Quelles solutions pourraient t-on avancer pour éviter cette auto-censure là ? 

W.G : Ne pas hésiter à communiquer, à mettre les femmes au coeur de nos actions. Par exemple, pour le Concours d’éloquence de cette année, nous avons une finaliste et un finaliste. Mettre en avant le portrait de la finaliste l’année suivante, montrer que les femmes sont évidemment aussi aptes que les hommes et que le mouvement est déjà lancé, provoquer le « et pourquoi pas moi ? » serait une des initiatives. Représenter les femmes dans des espaces où elles sont en minorité peut participer à la déconstruction de ce conditionnement, de ce stéréotype. 

J. C : Je suis à Chimie ParisTech et je constate que la diversité existe peut-être davantage dans notre école que dans d’autres écoles en sciences dures. Je le perçois comme ça. Ensuite selon les spécialités, il y a certaines classes avec plus de femmes que d’hommes et inversement. Mais cette auto-censure me semble bien moins présente. Est-ce parce qu’historiquement, la première femme diplômée en chimie en France vient de Chimie ParisTech ? Peut-être.

S.G : Je rejoins Werner sur l’impact de la communication dans l’évolution des moeurs. Toutes nos inégalités, qu’elles soient ancrées dans notre vie quotidienne ou le fruit de ressorts psychologiques, on les vit depuis la petite enfance ! Déconstruire prend du temps et c’est un travail inter-générationnel, et nous avons des outils aujourd’hui pour inverser les tendances. Sur le terrain politique, dans la vie quotidienne, dans la représentation artistique... Notre semaine n’est pas une semaine à visée polémique : on s’enrichit ensemble, à travers des événements complémentaires.

J.C : Au final, ça nous donne l’opportunité de voir comment ça se passe ailleurs que dans nos établissements, d’élargir notre horizon. PSL devient à travers ce type d’événements un moyen concret de se sentir et de vivre le "collectif".